Durant les deux années et trois mois écoulés, les décrets émis par les Talibans ont interdit formellement l’accès à l’éducation pour les femmes et entraîné la fermeture des écoles et des universités en Afghanistan. Ils ont simultanément consolidé et propagé des écoles à orientation purement religieuse, offrant une éducation sexiste à deux vitesses qui semble renforcer l’apartheid de genre dénoncé par de nombreuses femmes.
Après leur prise de pouvoir en Afghanistan, les Talibans ont limité l’accès des filles aux écoles et interdit leur présence dans les universités. Cependant, ils ont maintenu les écoles religieuses ouvertes pour elles, investissant des sommes considérables pour augmenter la capacité de ces institutions.
Massouma, une lycéenne en dernière année à Herat, a vu ses rêves de devenir médecin s’effondrer avec la prise de pouvoir des Talibans. « Depuis que les Talibans ont fermé mon école, je suis tombée en dépression et j’ai perdu toute tranquillité d’esprit. J’avais des cauchemars toutes les nuits. Après quelques mois, une école religieuse a ouvert dans notre région. J’ai pensé que je devrais y étudier pour m’occuper et éviter plus de problèmes », a-t-elle déclaré à la chaîne télévision Bina.
Des dizaines de ses camarades fréquentent désormais cette même école religieuse. Mais peut-on vraiment parler d’un enseignement au sens traditionnel du terme ? Massouma témoigne que pour être admises, elles doivent porter un hijab très différent de celui traditionnellement porté à Herat. « Nous devons porter deux ou trois qadifa (voiles) supplémentaires pour éviter les problèmes. Ils nous enseignent le Coran et cinq autres livres islamiques. Pourquoi allons-nous dans ces écoles religieuses ? Parce que c’est ce qu’ils (les Talibans) veulent. »
Selon les statistiques récentes, 6 838 écoles religieuses officielles fonctionnent en Afghanistan. Parmi elles, 1 212 étaient déjà reconnues sous l’ancien régime républicain et 5 626 ont été officialisées sous les Talibans. Environ 618 000 personnes y étudient les sciences religieuses.
Il y a actuellement 383 écoles religieuses officielles pour filles en Afghanistan, fréquentées par près de 90 000 élèves et femmes. Contrairement aux affirmations des talibans, l’enseignement religieux était déjà bien développé avant leur retour au pouvoir, mais comme un élément parmi d’autres dans la politique éducative afghane, et non comme l’unique option pour les femmes.
Aïsha, une ancienne étudiante de l’Université de Kaboul maintenant inscrite dans une école talibane pour étudier les sciences religieuses, exprime sa difficulté à rester inactive chez elle. Elle a confié à Bina : « Ici, l’enseignement religieux est différent. Les Talibans veulent nous changer. Je sais ce qui est bien ou mal, car j’ai beaucoup étudié les méthodes des partis religieux et leur influence sur les gens. »
Sahar (pseudonyme), une lycéenne à Kaboul inscrite de force dans une école religieuse, critique l’extrémisme, la partialité et le caractère politique pro-gouvernemental de l’enseignement dispensé.
Des érudits religieux mettent en garde contre la prolifération des écoles religieuses, qui vise à marginaliser les écoles et universités traditionnelles et à promouvoir un fondamentalisme religieux, risquant d’entraîner l’Afghanistan dans une crise profonde et durable.
Mashkur Kabuli, un érudit religieux, a déclaré à Bina que les écoles sous le régime des Talibans pourraient devenir des foyers d’idéologies fondamentalistes et de terrorisme.
L’augmentation des inscriptions des filles dans les écoles religieuses survient alors que plus d’un millier de professeurs d’université et des centaines d’enseignants d’écoles ont démissionné ou quitté le pays après la chute du régime républicain, affectant gravement la qualité de l’enseignement en Afghanistan.